
L’économiste canadien Peter Howitt, diplômé de l’Université McGill, est l’un des trois lauréats du prix Nobel d’économie annoncés par l’Académie royale des sciences de Suède le 13 octobre dernier. Il partage cet honneur avec Philippe Aghion, du Collège de France, et Joel Mokyr, de l’Université Northwestern, avec qui il a réalisé des travaux avant-gardistes sur la croissance économique tirée par l’innovation, et plus précisément sur le concept de « destruction créatrice ».
« Les lauréats en sciences économiques de cette année […] expliquent comment l’innovation stimule le progrès », a précisé l’Académie royale dans son annonce officielle. « La technologie progresse rapidement et a des répercussions sur tout le monde : les produits et les méthodes de production se succèdent dans un cycle sans fin. C’est le fondement d’une croissance économique soutenue. »
Outre la reconnaissance internationale, le prix s’accompagne d’une récompense financière et d’honneurs officiels. La moitié des 11 millions de couronnes suédoises (près de 1,2 million de dollars canadiens) revient à Joel Mokyr, et l’autre moitié est partagée entre Philippe Aghion et Peter Howitt. Lors de la cérémonie officielle des prix Nobel, qui aura lieu le 10 décembre, date anniversaire de la mort d’Alfred Nobel, les lauréats recevront également une médaille en or 18 carats et un diplôme.
Dans un message publié sur les réseaux sociaux, le premier ministre Mark Carney a félicité Peter Howitt pour cette « reconnaissance extraordinaire ».
« Certains des esprits les plus brillants du monde sont au Canada. Après une vie passée à réaliser des recherches avant-gardistes pour comprendre que l’innovation et l’ingéniosité humaine sont des moteurs de croissance essentiels, Peter Howitt démontre par son œuvre les retombées mondiales que peuvent avoir les idées bien de chez nous », a écrit le premier ministre sur X (anciennement Twitter).
Premières étincelles de curiosité
Le parcours de Peter Howitt n’a pas débuté dans une salle de cours, mais plutôt dans un petit bureau d’importation de laine à Guelph, en Ontario, où il travaillait à temps partiel pendant ses études secondaires. Cette expérience est le véritable point de départ de la quête intellectuelle qu’il poursuivra toute sa vie.
« Je me souviens de ce petit téléscripteur qui nous permettait de suivre le prix de la laine partout dans le monde », a raconté le nouveau nobélisé lors d’une conférence de presse après l’annonce de son prix. « J’ai demandé à mon patron pourquoi les prix fluctuaient sans cesse et il m’a expliqué le principe de l’offre et de la demande. J’étais fasciné. »
Encouragé par son mentor à entreprendre des études en économie, Peter Howitt s’est inscrit à l’Université McGill. En 1968, il a obtenu un diplôme avec distinction en économie et sciences politiques.
« Pendant mes premières années d’étude, mon intérêt pour l’économie – et en particulier pour la macroéconomie, sujet de la plupart de mes recherches – s’est affirmé, a-t-il ajouté. Mais je n’ai jamais perdu de vue la question que je m’étais posée à 18 ans : “Pourquoi les prix montent-ils et descendent-ils?” Ma curiosité est demeurée insatiable depuis. »
Une carrière façonnée par la recherche
Après ses études à McGill, Peter Howitt a entrepris une maîtrise à l’Université Western Ontario, puis a passé son doctorat en économie à l’Université Northwestern, en 1973. Sa fille, Katherine Howitt, a suivi ses traces et a obtenu un baccalauréat avec distinction en économie et en histoire à McGill, en 2004.
Peter Howitt a amorcé sa carrière universitaire à l’Université Western Ontario, où il a enseigné de 1972 à 1996, avant d’occuper des postes à l’Université d’État de l’Ohio, puis à l’Université Brown, où il est professeur Lyn-Crost de sciences sociales depuis 2000.
Peter Howitt a vu ses contributions intellectuelles maintes fois saluées tout au long de sa carrière. Élu membre de la Société royale du Canada en 1992 et de l’Econometric Society en 1994, il a été président de l’Association canadienne d’économique de 1993 à 1994 et rédacteur en chef du Journal of Money, Credit, and Banking de 1997 à 2000.
La théorie de la destruction créatrice
Menées en collaboration avec Philippe Aghion, les recherches de Peter Howitt récompensées par le prix ont formalisé mathématiquement le processus de destruction créatrice, conceptualisé par Joseph Schumpeter. Dans leur article marquant publié en 1992, les chercheurs ont expliqué que les nouvelles idées et technologies n’entraînaient pas seulement une stimulation de la productivité, mais aussi le bouleversement des marchés en supplantant les entreprises et méthodes existantes.
« Lorsqu’un meilleur produit arrive sur le marché, les entreprises qui vendent les anciens produits en pâtissent », précise le communiqué de l’annonce du prix Nobel. « L’innovation est créatrice, car elle introduit quelque chose de nouveau, mais elle est aussi destructrice, car l’entreprise dont la technologie est dépassée est évincée par la concurrence. »
Ces modèles ont jeté les bases d’une nouvelle compréhension de la croissance économique durable en montrant que l’innovation doit être nourrie par des marchés concurrentiels et protégée par des institutions qui favorisent le dynamisme et le changement.
« Les travaux des lauréats montrent que la croissance économique ne va pas de soi », souligne John Hassler, président du comité pour le prix des sciences économiques. « Il faut préserver les mécanismes qui sous-tendent la destruction créatrice, sous peine de retomber dans la stagnation. »
Un héritage canadien de portée mondiale
Les travaux de Peter Howitt ne sont pas que théoriques : ils ont influencé concrètement les politiques économiques et ont inspiré des stratégies en matière d’investissement en recherche et développement, de politiques en éducation, de soutien aux jeunes pousses et de concurrence sur les marchés, autant de piliers essentiels des économies fondées sur le savoir.
À 79 ans, Peter Howitt réalise une avancée importante pour le milieu universitaire canadien. Son prix Nobel d’économie met en lumière l’influence mondiale du Canada et de l’Université McGill, là où tout a commencé pour lui.