L’Université McGill souligne la Journée nationale de commémoration de l’attentat à la mosquée de Québec et d’action contre l’islamophobie 

Pour lutter contre l’islamophobie, les gens doivent être prêts à dialoguer « de bonne foi, en reconnaissant pleinement l’humanité de l’autre comme condition nécessaire à l’obtention de toute forme de justice », affirme la professeure Nadia Hasan
Nadia Hasan at the podium
Nadia Hasan a prononcé la conférence commémorative. Neale McDevitt

Le 29 janvier, des membres de la communauté mcgilloise et de la société montréalaise se sont réunis pour rendre hommage aux victimes qui ont perdu la vie en 2017, à la suite de la fusillade au Centre culturel islamique de Québec, et pour assister à une conférence commémorative sur la lutte contre l’islamophobie.

Les victimes qui ont perdu la vie lors de la fusillade de la mosquée de Québec. De gauche à droite, en partant du haut : Azzeddine Soufiane, 57 ans; Khaled Belkacemi, 60 ans; Ibrahima Barry, 39 ans; Mamadou Tanou Barry, 42 ans; Abdelkrim Hassane, 41 ans et Aboubaker Thabti, 44 ans.

« Aujourd’hui, nous honorons la mémoire des six hommes dont la vie a été cruellement arrachée à Québec : Ibrahima Barry, Mamadou Tanou Barry, Khaled Belkacemi, Aboubaker Thabti, Abdelkrim Hassane et Azzeddine Soufiane », déclare Angela Campbell, première vice-provost par intérim aux études et à la vie étudiante et vice-provost à l’équité et aux politiques académiques. « Nous sommes solidaires de leurs proches, des survivants de cet acte de violence inqualifiable et de celles et ceux qui continuent à en porter le fardeau. »

Angela Campbell a souligné que l’événement commémoratif de cette année se déroulait dans un contexte où les communautés musulmanes sont constamment confrontées à des défis, que ce soit à l’Université McGill, au Québec, au Canada ou ailleurs dans le monde. « Notre communauté et les étudiants présents ont ressenti de l’angoisse et de la douleur. Il est important de reconnaître et de valider ces émotions, car elles nous permettent de réaffirmer notre engagement à préserver la dignité et l’humanité de celles et ceux qui surmontent un deuil et qui souffrent », ajoute-t-elle.

« Nous vivons encore dans un monde où bien trop de gens semblent semer la division et l’opposition, mais à McGill, nous nous efforçons d’accompagner et de soutenir les divers groupes, tout en nous focalisant sur les liens qui les unissent », affirme-t-elle.

 

La lutte contre l’islamophobie 

Nadia Hasan, professeure adjointe à l’École d’études sur le genre, la sexualité et les femmes à l’Université York, a prononcé la conférence commémorative. Elle s’est d’abord interrogée sur la signification de la Journée nationale de commémoration de l’attentat à la mosquée de Québec et d’action contre l’islamophobie, une journée reconnue par le gouvernement fédéral, à un moment où l’islamophobie connaît une recrudescence.

Khadijatu-Dimalya Ibrahim at the podium
Khadijatu-Dimalya Ibrahim, lauréate de la bourse commémorative du Centre culturel islamique de Québec pour l’année 2025 Neale McDevitt

« Les actes commémoratifs sont très importants; ils sont vecteurs de changement. Ils apportent du réconfort et jouent un rôle important dans le processus de guérison face aux traumatismes causés par des attaques islamophobes, telles que celle de la mosquée Québec, dit Nadia Hasan. Néanmoins, même si de tels actes commémoratifs ont lieu régulièrement, nous avons l’impression que nos voix sont ignorées ou activement réduites au silence. »

Nadia Hasan a parlé des propos tenus en 2019 par le premier ministre du Québec, François Legault, lorsqu’il a déclaré, deux ans après l’attaque du Centre culturel islamique de Québec, que l’islamophobie n’était pas un problème dans la province.

« La communauté du Centre culturel islamique de Québec avait été la cible de nombreuses attaques islamophobes avant le 29 janvier 2017 », rappelle Nadia Hasan. Elle raconte également que des animateurs controversés avaient diffusé à la radio des propos antimusulmans. Les autorités se sont rendues coupables de « minimiser la voracité de l’islamophobie à l’origine de ces attaques et de réduire au silence la voix des communautés touchées qui, elles, connaissaient la vérité ».

Pour lutter contre l’islamophobie, les gens doivent être prêts à dialoguer « de bonne foi, en reconnaissant pleinement l’humanité de l’autre comme condition nécessaire à l’obtention de toute forme de justice », affirme Nadia Hasan.

La conférencière a par ailleurs salué les membres de l’Université qui ont mis en place des initiatives comme la Semaine de sensibilisation à l’Islam, durant laquelle les gens peuvent prendre part à des « conservations difficiles, mais importantes ».

 

Une tragédie qui touche de près 

Khadijatu-Dimalya Ibrahim, qui a cofondé l’Association des étudiantes et étudiants musulmans noirs de l’Université McGill en 2023, a reçu la bourse commémorative du Centre culturel islamique de Québec de l’Université McGill.

A rose is laid on the plaque honouring the six men who died at the CCIQ in 2017
Six roses ont été déposées sur la plaque commémorative à la mémoire des hommes qui ont perdu la vie au Centre culturel islamique de Québec, en 2017Neale McDevitt

Créée en 2018, cette bourse de 3 000 dollars est remise aux étudiantes et étudiants qui font preuve d’un engagement soutenu envers l’inclusion des personnes musulmanes au sein des sociétés québécoise et canadienne.

En recevant ce prix, Khadijatu-Dimalya Ibrahim a parlé des conséquences de la fusillade du Centre culturel islamique de Québec sur sa vie.

« N’importe qui aurait pu être touché : notre père, notre mère, notre frère. Face aux balles, nous sommes tous égaux. Les balles ne se demandent pas si vous êtes médecin, scientifique, enseignant ou père de famille ni si vous avez un enfant qui vous attend à la maison », témoigne-t-elle.

« Je pense à mon propre père. Avant, quand il partait à la mosquée, ma plus grande préoccupation était de savoir quels bonbons il rapporterait à la maison. Maintenant, je ne peux m’empêcher de penser : et s’il ne revenait pas? Et si quelque chose arrivait simplement parce qu’il a choisi de prier? C’est la réalité terrifiante que tant de familles vivent chaque jour, juste parce qu’elles sont musulmanes. »

Après la commémoration, qui s’est déroulée dans la salle du conseil Robert-Vogel du Pavillon Leacock, un cortège s’est dirigé vers le côté est du Pavillon Dawson, où des étudiants musulmans ont déposé six roses sur la plaque et sous l’arbre (bois de fer) à la mémoire des hommes qui ont perdu la vie au Centre culturel islamique de Québec.