Début 2023, Joseph Sabatier et Nicolas Delourmel, cofondateurs et propriétaires de la populaire chaîne de boulangeries Mamie Clafoutis, élaborent un plan audacieux : transformer la succursale du 3660, rue Saint-Denis pour y offrir un service entièrement automatisé et sans contact.
Ce projet leur semble la meilleure façon de relever les défis postpandémiques : pénurie de main-d’œuvre, problèmes de gestion des stocks et plaintes de la clientèle en raison de la lenteur du service.
Au printemps de la même année, les deux entrepreneurs, conseillés par une équipe de l’École Bensadoun de commerce au détail (EBCD), réalisent toutefois l’importance de conserver la dimension humaine dans l’expérience qu’offrira leur boulangerie du futur.
« À chaque rencontre, Saibal Ray, AJung Moon et James Clark, des spécialistes de la technologie, des données et de la robotique, revenaient à la charge : cette transformation était-elle vraiment ce que nous souhaitions faire et ce que notre clientèle voulait?, se rappelle Joseph Sabatier, sourire aux lèvres. Je ne m’étais pas douté qu’on serait si souvent amenés à nous remettre en question. »
En novembre dernier, les résultats ont parlé d’eux-mêmes : la nouvelle succursale a gagné le prix spécial « Coup de cœur » du jury 2024 dans la catégorie de la transformation numérique au Salon sur les meilleures pratiques d’affaires (MPA), à Montréal.
L’automatisation complète : pas une panacée
Créateurs du Laboratoire d’innovation en commerce au détail, les spécialistes de l’EBCD possèdent une solide connaissance de l’expérience d’achat sans contact et des avantages et des pièges de l’automatisation complète. Or, à leur avis, il ne s’agissait pas de la voie à suivre pour Mamie Clafoutis.
« Le nom de la boulangerie évoque une grand-maman cuisinière. Ainsi, la dimension humaine est un élément incontournable de son identité, explique Charles de Brabant, directeur général de l’EBCD. Après discussion avec nos professeurs, Joseph et Nicolas ont conclu qu’un modèle hybride serait la meilleure solution. Il restait à déterminer quand recourir à la technologie et comment en optimiser l’utilisation. »
Identification des irritants
Mehdi Ghazvinizadeh, candidat à la maîtrise en gestion du commerce de détail à l’Université McGill, a été chargé de cerner les irritants liés à l’automatisation.
Dans le cadre du programme de stage du projet d’assistance aux PME subventionné par le ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie du Québec, l’étudiant a consacré sept mois à l’évaluation de l’entreprise et à l’ébauche d’un plan d’amélioration de l’efficacité et de l’expérience client en magasin.
« Mehdi a identifié deux irritants pour la clientèle : le temps d’attente trop long à la caisse et au comptoir des cafés », précise Charles de Brabant.
Il a donc procédé à un examen détaillé – personnel, processus, technologies et systèmes informatiques en magasin – et repéré les possibilités d’automatisation, les technologies disponibles et les fournisseurs potentiels.
S’appuyant sur les données recueillies, Joseph Sabatier et Nicolas Delourmel ont élaboré un plan d’affaires et ont fait appel aux services de Leav, une entreprise montréalaise spécialisée dans l’automatisation des commerces, pour revoir la conception de la boulangerie de la rue Saint-Denis, qui a réouvert ses portes cet automne.
Intégration technologique harmonieuse
Les clients peuvent maintenant se rendre en magasin de 7 h à 19 h pour préparer eux-mêmes leur café aux stations à la fine pointe de la technologie et régler leurs achats au moyen de leur téléphone aux caisses automatiques – sans avoir à faire la file. Des membres du personnel sont disponibles pour les conseiller au besoin.
« Le nouveau modèle permet aux personnes pressées de faire leurs achats très rapidement, mais le personnel demeure au service du client en magasin pour conseiller la clientèle et lui suggérer des produits : on offre ainsi une expérience davantage personnalisée, pour le plus grand bonheur des clients. »
Et bientôt, en cas de petit creux à l’extérieur des heures d’ouverture, un code QR permettra de déverrouiller la porte du magasin, d’y choisir de quoi se rassasier, puis régler ses achats à l’aide du téléphone.
Une collaboration « exceptionnelle » avec l’Université McGill
Joseph Sabatier souligne que la collaboration avec McGill a été des plus agréables.
« Au départ, lorsque nous avons communiqué avec l’EBCD, j’ai eu peur qu’on ne nous prenne pas au sérieux, avec nos idées ambitieuses pour notre petite boulangerie. Mais l’équipe s’est montrée extrêmement dévouée, professionnelle et disponible », souligne-t-il.
« C’est une belle histoire parce qu’elle est riche, confie Charles de Brabant : elle nous parle d’entrepreneurs et de cuisine réconfortante; d’une boulangerie qui passe au niveau supérieur grâce aux nouvelles technologies, mais sans renier son image de marque; et de l’aventure de partenaires locaux qui se réunissent pour améliorer le rendement d’une entreprise et, au bout du compte, mieux servir ses clients. »
« Et je suis fier du rôle que l’Université McGill y a joué. »