La table ronde de McGill sur la souveraineté et la sécurité dans l’Arctique met l’accent sur la coopération et les partenariats avec les peuples autochtones

Selon les participants, les universités peuvent jouer un rôle clé en aidant les décideurs à relever les défis complexes du Canada dans un contexte géopolitique en mutation
Parmi les participantes et participants à la récente table ronde figuraient (de gauche à droite) le major Alexandre Muñoz, Mathieu Landriault, le lieutenant-colonel Cristian Ciulean, Guillaume Paradis, le brigadier-général Daniel Rivière, la capitaine Emily Philibert, Laurent Borzillo, Vincent Rigby, l’adjudant-maître Rémy Allard et Anthony Di Carlo

Lors d’une table ronde à l’Université McGill, des panélistes ont mentionné que la préservation de la sécurité et de la souveraineté canadienne dans l’Arctique requiert l’adoption d’interventions militaires et d’une « approche pansociétale ».

« Les Forces armées canadiennes ne doivent pas être considérées comme la seule et unique solution », a déclaré Vincent Rigby, professeur praticien Famille Slater à l’École de politiques publiques Max-Bell de l’Université McGill, et ancien conseiller à la sécurité nationale et au renseignement auprès du premier ministre du Canada. « Bien que l’apport des Forces fasse partie de la solution, la situation exige la participation de tous les paliers de gouvernement, des communautés autochtones, du secteur privé et des alliés internationaux. »

Le Pr Rigby a souligné que la sécurité dans la région est inextricablement liée au bien-être de sa population.

« Lorsque les communautés autochtones affirment qu’il ne peut y avoir de sécurité nationale sans la sécurité des personnes, elles ont tout à fait raison. Il faut sécuriser le logement, les soins de santé, les communications – tout ce qui permet à une communauté de prospérer. On ne peut pas établir une présence durable sans répondre à ces besoins fondamentaux. »

 

Les partenariats avec les Autochtones sont primordiaux

Le 17 septembre s’est tenu une table ronde à la Faculté de gestion Desautels de l’Université McGill qui a donné lieu à de franches discussions. Animé par le brigadier-général Daniel Rivière, commandant de la Force opérationnelle interarmées (Nord), l’événement a réuni des responsables militaires, des chercheurs et d’autres parties prenantes.

Daniel Rivière partage le point de vue du Pr Rigby : les communautés autochtones sont essentielles à la réussite des stratégies déployées dans l’Arctique. Les quelque 5 000 Rangers canadiens, en majorité issus des communautés autochtones, sont les yeux et les oreilles des Forces armées canadiennes dans le Nord.

« Ces communautés ne sont pas que des partenaires, elles jouent aussi un rôle de premier plan dans nos opérations, soutient le brigadier-général Rivière. La région compte 72 communautés, chacune ayant des connaissances et des besoins uniques. »

« Les entreprises et les dirigeants autochtones assurent un rôle majeur, non seulement en ce qui a trait à la sécurité, mais aussi sur le plan de l’aménagement des infrastructures et des débouchés économiques, ajoute le Pr Rigby. Il existe ici un énorme potentiel, que nous pouvons exploiter en gagnant la confiance de nos partenaires, dans le cadre d’un véritable partenariat. »

 

La complexité sur le terrain

Le brigadier-général Rivière mentionne l’ampleur et la difficulté opérationnelle immenses que représente la sécurisation de l’Arctique canadien : environ 400 membres des forces armées sont à eux seuls responsables d’une région qui s’étend sur plus de huit millions de kilomètres carrés.

« Le territoire de l’Arctique n’est pas le même partout, soutient-il. Les besoins d’Iqaluit sont très différents de ceux de Resolute Bay. Les exigences sont particulièrement élevées en matière d’énergie, de transport et de communication. Et tout repose sur la logistique, qu’il s’agisse de transporter des fournitures ou de déployer des personnes sur le terrain. »

Les Forces armées canadiennes s’efforcent de rendre permanente l’opération NANOOK, leur opération phare de formation et de souveraineté dans le Nord. Habituellement déployée en été, l’opération NANOOK comprend des exercices conjoints avec des ministères fédéraux, des gouvernements territoriaux et des partenaires internationaux. Daniel Rivière précise que la pérennisation de l’opération permettra de mener des recherches et des essais à vastes répercussions, en particulier dans des domaines comme les communications à longue portée et les systèmes de livraison autonome, qui pourraient permettre de contourner certaines contraintes géographiques.

 

Le rôle des universités

L’un des thèmes abordés lors de la table ronde a été l’importance des établissements universitaires dans l’élaboration de la politique arctique du Canada. Les universités comme McGill jouent un rôle de plus en plus important, qu’il s’agisse d’offrir un espace neutre pour le dialogue ou de stimuler la recherche et l’innovation.

« Les universités apportent une contribution à nulle autre pareille. Qu’il s’agisse d’élaborer des politiques publiques, de mettre au jour une vision stratégique ou de stimuler l’innovation technologique, les universités fournissent au gouvernement un soutien inégalé. Et cette table ronde en témoigne de façon éloquente », soutient Vincent Rigby.

« Au fur et à mesure que de nouvelles équipes sont mises en place, nous pouvons faire appel à des scientifiques et à des observateurs, a ajouté le brigadier-général Rivière. L’Université McGill peut décidément jouer un rôle déterminant à cet égard. »

Ensemble, l’École de politiques publiques Max-Bell de l’Université McGill et le Centre Wilson de Washington ont organisé un forum binational sur la coopération dans l’Arctique, auquel ont participé des dirigeants autochtones, des fonctionnaires et des acteurs du secteur privé. Selon le Pr Rigby, cette capacité à réunir les intervenants peut contribuer à l’élaboration de politiques plus efficaces. « Nous ne pouvons pas nous permettre de travailler en vase clos. À l’instar des Forces armées canadiennes, nous avons tout à gagner à tenir compte d’autres points de vue. Ces conversations doivent avoir lieu plus souvent, tant dans le Sud que dans le Nord. »

 

Perspectives

Le Canada poursuit sa politique de défense Notre Nord, fort et libre et, par l’entremise de son projet stratégique BOREALIS, continue d’investir dans la modernisation du Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord (NORAD). Daniel Rivière et Vincent Rigby estiment qu’il est essentiel de maintenir une dynamique de collaboration. Des événements comme la table ronde s’inscrivent dans les principes sous-tendant la politique fédérale, qui met l’accent sur des approches inclusives et axées sur la communauté.

« Notre système de sécurité arctique est en pleine expansion, précise Daniel Rivière. Mais la véritable valeur des tables rondes comme celle-ci réside dans l’échange d’idées. Elles nous permettent de valider nos réflexions, ou de les remettre en question. Nous avons accueilli des participants de tous les horizons : hauts fonctionnaires, chercheurs, partenaires de la Garde côtière. La profondeur et la richesse des questions posées étaient impressionnantes. L’intelligence collective est remarquable. »

Pour le professeur Rigby, la conclusion est claire.

« La défense et la sécurité dans l’Arctique ne peuvent être assurées par une seule entité. Les patrouilles et l’équipement ne suffisent pas; il faut donc aussi bâtir des communautés fortes et durables. Et pour cela, nous avons besoin de l’apport de tous et toutes. »