Bartha Knoppers décorée pour l’ensemble de ses travaux novateurs en bioéthique

De la littérature au droit en passant par la génétique, la fondatrice du Centre de génomique et politiques de McGill a bâti une carrière au carrefour de la science et de l’éthique
Bartha Knoppers accepte la Médaille du mérite universitaire de l’Université McGill de doyen Christopher ManfrediOwen Egan/Joni Dufour

Lors de la collation des grades de l’automne, qui s’est tenue le 14 octobre à la Place des Arts, l’Université McGill a décerné sa plus haute distinction académique à la professeure émérite Bartha Maria Knoppers, en reconnaissance d’une carrière au cours de laquelle elle a fait le pont entre la littérature, le droit et la bioéthique pour contribuer à l’élaboration de politiques internationales en matière de génomique et de recherche médicale.

La Pre Knoppers a reçu la Médaille du mérite universitaire de l’Université McGill, qui rend hommage aux membres du corps professoral à la retraite « dont le rôle mérite d’être pleinement reconnu à la lumière de leur apport exceptionnel à leur discipline, à l’Université et à la société dans son ensemble ».

« Avec la complexification de notre monde et l’élargissement de l’éventail des possibilités actuelles, les jugements éthiques posent des difficultés beaucoup plus grandes. Heureusement, l’Université McGill, le Canada et le monde entier peuvent compter sur les précieuses lumières de personnes comme Bartha Maria Knoppers », a déclaré Leslie Fellows, doyenne de la Faculté de médecine et des sciences de la santé, en remettant la médaille McGill à la professeure émérite.

« On ne saurait surestimer l’importance des travaux novateurs de la Pre Knoppers en bioéthique, discipline à la croisée du droit et de la médecine qui met à l’épreuve l’irréfutabilité et l’universalité des avancées scientifiques. »

Juriste, éthicienne et fondatrice du Centre de génomique et politiques de McGill, Bartha Knoppers est reconnue mondialement pour avoir élaboré des cadres éthiques en matière de recherche génétique et participé à la définition de normes pour des projets importants, comme le Projet Génome humain et la Déclaration de l’UNESCO sur le génome humain et les droits de l’homme, et pour sa participation à titre de membre du Groupe consultatif scientifique de l’Organisation mondiale de la Santé et de la Commission royale du Canada sur les nouvelles techniques de reproduction.

 

De la poésie aux politiques

C’est à l’issue d’un parcours atypique que Bartha Knoppers est devenue l’une des principales voix mondiales en matière de bioéthique. Elle a commencé ses études universitaires en littérature et s’est penchée sur la poésie surréaliste comme outil d’expression postcoloniale.

« La poésie vous libère, affirme-t-elle. Elle vous apprend à exprimer l’inexprimable, et mes études ont influencé ma façon d’aborder des questions éthiques complexes qui n’ont pas de réponse claire. »

Elle explique que la poésie l’a aidée à se sentir à l’aise avec l’ambiguïté, les nuances et les interprétations multiples, autant d’éléments essentiels pour composer avec les zones grises morales du droit, de la médecine et de la science.

Un changement dans ses projets de doctorat l’a amenée à se tourner vers le droit, motivée par le désir de contribuer plus concrètement à la société. Son intérêt pour le droit médical est né à la suite du procès simulé d’un suspect qui refusait de se faire retirer une balle par chirurgie, car cette balle pouvait l’incriminer.

« Cette simulation a soulevé chez moi d’énormes questions sur l’intégrité physique, le consentement et l’auto-incrimination, indique-t-elle. J’ai trouvé ça fascinant. »

 

De puissantes données représentatives

La professeure Bartha Knoppers a un diplôme en droit de l’Université McGill et de la Sorbonne, ainsi qu’un diplôme en études juridiques de l’Université de Cambridge. Nommée en 1985 à la Faculté de droit de l’Université de Montréal, elle a intégré l’Université McGill en 2009, où elle a occupé le poste de titulaire de la Chaire de recherche du Canada de niveau 1 en droit et médecine.

À McGill, elle a fondé le Centre de génomique et politiques, axé sur trois droits universels : le droit à la science, le droit à la santé et le droit à la non-discrimination.

Pour la professeure, il est essentiel de disposer de données diversifiées à grande échelle pour faire bénéficier tout le monde des progrès de la science.

« Si les données ne reflètent pas la diversité de la population, on ne peut pas mettre au point des traitements efficaces ».

Bartha Knoppers est également d’avis que la diversité croissante de la population canadienne offre de précieuses données sur la vulnérabilité et la résistance aux maladies. Elle estime que les soins de santé de précision sont essentiels à la durabilité dans un système de santé universel.

« Nous ne pouvons pas tout offrir à tout le monde, mais les données démographiques permettent de fournir des soins ciblés en fonction de l’âge, de la région ou de l’origine ethnique ».

 

Des ponts entre le droit et la science

La Pre Knoppers estime qu’il est essentiel d’intégrer l’éthique directement au processus de recherche en collaborant avec des scientifiques, des cliniciens et des experts en données.

« À mon arrivée ici, j’ai dit au doyen que je ne voulais pas être reléguée dans un immeuble gris réservé à l’éthique biomédicale, explique-t-elle. Placez-moi près des épidémiologistes, des statisticiens et des chercheurs en maladies. Je voulais leur parler, comprendre leur travail et, avec un peu de chance, les intéresser à ce que nous pouvions leur offrir. »

Cette approche collaborative rendait naturelle l’installation de la professeure au Centre de génomique de McGill.

« C’est inspirant d’être au cœur de ces recherches. L’éthique ne doit pas être une tour d’ivoire. Elle doit faire partie intégrante du processus de découverte. »

 

L’éthique doit inspirer confiance, et non freiner l’innovation

Selon Bartha Knoppers, en raison de l’évolution rapide de la science, il peut être difficile de tenir à jour les règles éthiques, mais l’objectif est toujours le même : « Comprendre la science le plus exactement possible. »

Pour ce faire, il faut collaborer étroitement avec les scientifiques, afin de comprendre leurs objectifs et leurs préoccupations. « C’est la seule façon de progresser avec une approche responsable, axée sur la collaboration et la diligence raisonnable. »

Les cadres politiques, dit-elle, ne « poussent pas dans les arbres ». Ils nécessitent du temps, un consensus et la capacité de naviguer dans divers contextes culturels et juridiques.

« La vraie question est la suivante : pouvons-nous nous mettre d’accord sur des principes fondamentaux qui nous guideront malgré nos différences? »

L’éthique, ajoute-t-elle, doit inspirer confiance, et non freiner l’innovation.

« Si elle est considérée uniquement comme un mécanisme de surveillance, elle perd sa valeur. Mais si elle permet d’améliorer la confiance et l’acceptabilité sociale, l’éthique renforce la science. »

 

Une influence mondiale

Officiellement à la retraite, la Pre Knoppers n’a pas ralenti pour autant. Elle continue de siéger à des commissions internationales et de mettre à profit son expertise en se prononçant sur de nouveaux enjeux bioéthiques. Son message à la prochaine génération est simple : n’ayez pas peur de la complexité.

« Notre époque est caractérisée par des possibilités scientifiques sans précédent, déclare-t-elle. Mais les possibilités ne suffisent pas, il faut aussi agir en assumant nos responsabilités. Le défi consiste à bâtir un avenir où les possibles sont exploités de façon responsable. »