À 59 ans, une étudiante à la maîtrise de McGill représentera le Canada dans une compétition de gymnastique internationale

Milda Graham est la preuve vivante que les rêves ne meurent jamais : certains prennent simplement plus de temps à se réaliser
Milda Graham, gymnaste et étudiante à la maîtrise à l’École d’études religieuses

Il y a plus de quarante ans, Milda Graham, gymnaste d’élite, aspirait à représenter le Canada sur la scène internationale, mais, comme beaucoup d’athlètes, des blessures l’ont contrainte à mettre son rêve de côté. Elle n’avait que 15 ans.

Aujourd’hui instructrice de yoga au Bureau de la vie religieuse et spirituelle de l’Université McGill et étudiante à la maîtrise à l’École d’études religieuses, Milda est la preuve vivante que les rêves ne meurent jamais : certains prennent simplement plus de temps à se réaliser.

En effet, à 59 ans, Milda se rendra à Leipzig, en Allemagne, à la fin du mois, en tant que membre de l’équipe canadienne des maîtres en gymnastique, où elle participera à Das Turnfest, le « plus grand événement sportif de masse au monde ». Ce festival multisport de renom devrait attirer plus de 80 000 participants et 75 000 visiteurs.

Milda Graham concourra dans la catégorie des 50 à 59 ans.

« Je serai la plus âgée de ma catégorie, souligne-t-elle. Je suis fière d’avoir atteint ce niveau parce que j’y ai travaillé pratiquement toute ma vie, en quelque sorte. »

 

Une route longue et sinueuse

Le parcours de Milda Graham est tout sauf linéaire. À l’adolescence, la jeune gymnaste a commencé à ressentir des douleurs chroniques aux épaules, douleurs qu’elle a cachées à ses parents.

« Un matin, je n’ai pas pu me lever à cause de la douleur, se rappelle-t-elle. Un chirurgien orthopédique m’a dit que mes coiffes des rotateurs étaient tellement endommagées que je ne ferais plus jamais de gymnastique. »

Milda a donc abandonné ce sport réputé pour briser les jeunes athlètes, mais bien qu’elle ait pratiqué d’autres activités – danse, karaté, culturisme, yoga – sa passion pour la gymnastique ne l’a jamais tout à fait quittée.

Or, en 1994, Milda, qui habitait alors à New York, s’est rendu compte que les locaux de SOKOL, la plus ancienne organisation de gymnastique des États-Unis, se trouvaient à seulement deux stations de métro de chez elle.

« Je me suis dit que l’Univers voulait vraiment que je fasse de la gymnastique! », lance Milda en riant. Cette découverte fortuite a marqué son retour dans le sport, mais cette fois, c’est elle qui était aux commandes.

La philosophie de SOKOL, « un esprit fort dans un corps sain », a trouvé écho auprès de Milda. Contrairement à la culture rigide et compétitive des salles de sport qu’elle a connue dans sa jeunesse – où de jeunes filles prépubères étaient sélectionnées sur la base d’idéaux corporels stricts – SOKOL accueille tous les âges et tous les types de corps. On n’est pas dans la course aux médailles, mais plutôt dans le mouvement, l’appartenance à un groupe et le plaisir. Pour Milda, ce fut une véritable révélation.

« Je suis allée à un festival où des femmes dans la soixantaine concouraient et mon cœur a explosé. J’avais les larmes aux yeux, confie-t-elle. Je me suis dit : “Voilà ce que je veux faire. Voilà ce qui me fait vibrer”. »

 

Ne jamais faire de mal

Milda Graham ne ferme pas les yeux devant les dures réalités et les éléments toxiques de la gymnastique – entraînement extrêmement sévère, troubles de l’alimentation et abus –, mais se concentre sur ce que cette discipline peut aussi être : une source de joie, une occasion de tisser des liens et une voie de guérison.

« Ils sont contraires à ma vision de la gymnastique, affirme-t-elle, en référence aux systèmes néfastes du passé. La gymnastique doit être saine, inclusive et basée sur le principe “ne jamais faire de mal”. »

Cette éthique, elle l’applique à son propre entraînement. En effet, Milda a repris l’entraînement après chacune de ses trois grossesses, allant même jusqu’à concourir dans la catégorie des plus de 14 ans avec son amie, alors qu’elles étaient toutes les deux à la fin de la trentaine.

« Nous sommes arrivées dernières, rigole-t-elle, mais nos routines étaient solides. »

Pour Milda, le succès n’est pas synonyme de podium. Il s’agit plutôt d’être présente, au service du mouvement, et de prouver que les corps plus âgés ont aussi leur place au gymnase.

Aujourd’hui, la gymnaste s’entraîne dans un club à Valleyfield et dans un autre à Vaudreuil-Dorion, souvent après que les plus jeunes athlètes ont terminé leurs séances.

Sa présence change les choses. Elle est souvent la personne la plus âgée à s’entraîner, mais cette visibilité est importante.

« Si les plus jeunes me voient m’entraîner, tomber, puis me relever, elles comprennent que ça va, c’est correct », explique Milda.

« Avant, les gymnases d’élite ne voulaient pas voir de corps plus âgés faire la roue de travers. Mais aujourd’hui, nous avons notre place. D’anciens gymnastes de compétition s’entraînent avec nous, ainsi que des personnes qui n’ont jamais eu l’occasion de le faire lorsqu’elles étaient plus jeunes. Des mères viennent aussi s’entraîner avec leurs filles. »

 

Des avantages pour la santé mentale

La gymnastique est aujourd’hui le point d’ancrage de Milda. Atteinte d’un syndrome de stress post-traumatique et souffrant d’anxiété, elle explique que la structure de la gymnastique et du yoga l’aide à gérer sa santé mentale.

« L’activité physique est fondamentale pour moi. Les routines et l’entraînement sont essentiels pour que je puisse garder le cap et aller de l’avant. ».

Après plus de trente ans de pratique de la gymnastique – certains mariages ne durent pas aussi longtemps, plaisante-t-elle –, Milda continue de cultiver sa passion.

« J’espère encore faire la roue à 90 ans! »